Bords de routes forestières Matthias Sorg
Forêt

Bords de routes forestières – Biodiversité sans grandes dépenses

Orchidées, campanules, abeilles sauvages – en été tout un petit monde fleurit et bourdonne à l’envi sur les talus des routes forestières. Jusqu’à ce que les épareuses et autres machines d’entretien ne viennent mettre un terme à cette animation. Sauterelles déchiquetées, coléoptères morts, fleurs coupées jonchent alors les accotements routiers. Mais les choses peuvent être différentes!

Pro Natura Berne veut sensibiliser les responsables de l’entretien de nos routes quant aux valeurs naturelles présentes sur les talus routiers et à la manière de les entretenir de façon respectueuse, et ce grâce à un flyer et des contacts personnels.

Les bords de routes forestières – de riches biotopes

A côté des lisières forestières, la zone de transition entre les routes graveleuses et la forêt proprement dite renferme la plus grande diversité spécifique de tout l’écosystème forestier. Ces biotopes linéaires sont très maigres, lumineux et riches en calcaire (surtout dans les régions où le substrat géologique est siliceux). Ils offrent des habitats de substitution à de nombreuses espèces, telles celles qui ont quasiment disparu de nos campagnes cultivées. Ainsi, dans le Mitteland bernois, 80% des stations à orchidées qui subsistent se concentrent le long des routes forestières. Dans cette région, le sol superficiel riche en nutriments est évacué lors de la construction des routes sur toute la largeur des accotements et talus. Comme ces routes sont de surcroit autant de trouées lumineuses dans la forêt, les habitants des prairies maigres devenues rares partout ailleurs, y trouvent de nouvelles conditions de vie favorables. Dans le Mittelland bernois toujours, les gravillons calcaires du revêtement des routes graveleuses projetés sur les talus par le passage des véhicules, enrichissent le sol en carbonate de calcium. Par conséquent, là où le sol est originellement acide, comme c’est le cas en beaucoup d’endroits du Mitteland bernois, les bords de routes deviennent des sortes d’îlots basiques dans une vaste mer acide. (Ce schéma ne s’applique pas au Jura où le calcaire est présent partout.) Les plantes calcicoles, auxquelles appartiennent par exemple la plupart des espèces d’orchidées, ne poussent donc que sur de tels sols.

Réduire la mortalité, promouvoir la biodiversité

Lorsque les bords de routes sont entretenus (broyage de la végétation ou mulching) en mai déjà ou en juin, c’est-à-dire en pleine période de floraison, cela signifie simplement la mort pour la flore estivale et pour les nombreux petits animaux qui en dépendent. Les plantes ne peuvent pas grainer et se ressemer, les espèces pluriannuelles ne peuvent accumuler que très peu de substances nutritives dans leurs organes de stockage. De nombreux animaux perdent leurs ressources alimentaires, lorsque ce n’est tout bonnement pas leur vie… En respectant les règles suivantes, on peut minimiser la perte des espèces et conserver la diversité spécifique:

  • Dans le meilleur des cas, ne faucher ou broyer (mulching) la végétation herbacée qu’à partir d’octobre et maintenir au moins 10% de vieille herbe.
  • Si leur entretien doit impérativement être effectué en été, faucher les talus et autres accotements riches et variés au lieu de broyer la végétation (mulching). La fauche ménage beaucoup mieux les petits animaux.
  • Ne pas éliminer les buissons de valeur.
  • Lutter de manière ciblée contre les néophytes envahissantes avant qu’elles ne dispersent leurs graines.
  • Ne pas évacuer les tas de pierres et de branches ou les souches d’arbres. Là où c’est possible, aménager d’autres structures de cette nature.

Un entretien mesuré réduit les dépenses

Faucher en automne permet souvent d’économiser une campagne d’entretien. En bien des endroits situés en forêt, il est aussi possible de ne faucher qu’une année sur deux, sans pour autant prétériter la visibilité et la sécurité pour le trafic. La devise devrait être : ne faire que ce qui est absolument nécessaire ; et c’est beaucoup moins que ce que l’on croit. De fait, il est possible de faire des économies en termes d’entretien des accotements routiers tout en favorisant la biodiversité. Un dernier point important pour les propriétaires de forêts : les bords de routes forestières fleuris représentent des sites d’affouragement prisés par le gibier, ce qui limite l’abroutissement  du recrû forestier par le chevreuil.

Pro Natura Berne veut convaincre les responsables

Grâce à un flyer sur le thème des routes forestières et par des contacts directs avec les acteurs déterminants, Pro Natura Berne veut influencer la pratique d’entretien des bords de routes en forêt en faveur de soins mesurés et par la même contribuer au maintien de leur diversité spécifique.

En parallèle, un projet-pilote de cartographie des talus riches en espèces situés le long des routes cantonales sera réalisé en Haute-Argovie au cours de cet été 2015. Son but consiste d’une part à développer une méthode simple d’évaluation des talus routiers et d’autre part à proposer des directives en matière d’entretien destinées à la pratique.